Roy Arundathi, La démocratie : notes de campagne, Gallimard, Essais, 2011

Publié le par Manu Bouvy

 

Arundathi Roy, La démocratie : notes de campagne, Gallimard, Essais, 2011

 

 

Arundathi Roy est mondialement connue pour son unique roman, « Le dieu des petits riens », publiée en 1997. Ses autres ouvrages révèlent une autre facette de l'auteure, son activisme militant en faveur des droits de l'homme et contre toutes les formes de totalitarisme.

Ses « notes de campagne » s'inscrivent dans ce cadre. Elle y dénonce la démocratie factice de l'Inde, qui fonctionne en mettant en exergue les notions d'Union et de Progrès, pour servir de cache-sexe à d'autres termes, Nationalisme et Développement, qu'elle qualifie de « tours jumelles (...) de la démocratie moderne adepte du libéralisme économique ». A son sens, le nationalisme est une idéologie perverse visant à exclure quiconque est différent, tandis que le développement ne sert qu'à renfoncer le système dual et la domination des riches sur les pauvres.

Roy explique ce schéma en nous présentant plusieurs exemples. Un des plus inquiétants est celui qui évoque le parti BJP, au pouvoir en divers Etats de l'Inde, et responsable à ses yeux du « génocide » des musulmans au Gujarat en 2002 (lire à ce sujet : Jha, Et les morts nous abandonnent – voir par ailleurs sur ce blog). Elle s'étend aussi sur la problématique du Cachemire, région la plus militarisée au monde, en dénonçant l'arbitraire et les violences de Delhi à l'encontre des militants indépendantistes.

Le mérite de cet ouvrage de Roy est de remettre certaines idées au cœur du débat. La « plus grande démocratie du monde » est-elle vraiment une démocratie ? Il y a-t'il effectivement une connivence entre les 3 piliers du pouvoir (exécutif, législatif, judiciaire), pour faire prévaloir des intérêts particuliers ?

J'ai cependant regretté un manque de nuance. Emportée par son militantisme radical, Arundathi Roy fait flèche de tous bois pour défendre ses thèses, en réduisant parfois son argumentation à peu d'éléments. Par exemple, lorsqu'elle évoque l' « occupation » du Cachemire par l'Inde, on aurait aimé savoir si à son sens, l'indépendance ou le rattachement au Pakistan seraient des alternatives plus adéquates. Elle ne dit pas non plus que la militarisation du Cachemire résulte tout autant, sinon plus,  de facteurs externes qu'internes. Tout cela déforce un propos qui nous permet toutefois de ne pas voir l'Inde comme une image d'Epinal.

En lisant ses "notes de campagne", on ne peut s'empêcher de penser que le parcours de l'Inde s'inscrit dans la logique économique dominante, dans ce village global qui pourrait faire disparaître toutes traces culturelles de ce fascinant pays, pour l'intégrer dans la planète Big Mac et Coca-Cola.

 

 

Publié dans littérature indienne

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